Est-ce vraiment possible et efficace de vouloir décider ensemble ?
Est-ce réaliste sachant que, dans une entreprise par exemple, nous avons tous des personnalités, des attentes, des expériences et des fonctions différentes ?
Très souvent, lorsque quelqu’un propose de prendre une décision de manière collective, des regards et moues dubitatives apparaissent. Si l’idée semble séduisante, sa mise en pratique est jugée difficile et hasardeuse. Nous avons tous un exemple où une tentative de décision collective s’est tranformée en fiasco.
Si ces questions et hésitations sont légitimes, elles traduisent surtout certaines croyances que nous avons sur la prise de décisions en groupe.
Je vous propose d’en démystifier quatre.
Mythe n°1 : « c’est lent »
« Décider ensemble prend énormément de temps puisqu’il faut laisser parler tout le monde et qu’il faut atteindre un consensus ».
Réalité : La vitesse de la prise de décision est fonction de la courbe d’apprentissage du groupe. Par ailleurs, étant donné qu’une décision n’est pertinente que si elle est appliquée, il faut tenir compte de la durée de mise en œuvre de la décision.
- Apprentissage
Sur la durée, les groupes apprennent et vont plus vite dans leurs prises de décisions. Les consensus se dessinent plus vite et sont plus solides, notamment parce qu’avec la pratique, la confiance augmente et les objections sont exprimées plus rapidement.
- Implémentation des décisions
Pour évaluer l’efficacité d’une décision, il faut considérer le temps nécessaire à son implémentation. Lors d’une décision collective, le temps passé à se mettre d’accord est plus que compensé par le gain lors de l’exécution parce que les résistances ont été débattues et résolues en amont, lors des discussions. En incluant, lors des débats, ceux qui seront impactés par la décision, les risques de voir des résistances s’exprimer sous la forme d’excès de zèle, de sabotage ou de manque d’implication sont fortement réduits.
Mythe n°2 : « c’est l’anarchie et le chaos »
« Plus il y a de personnes qui participent à la prise de décision, moins les participants s’écoutent l’un l’autre et moins on converge vers une solution ».
Réalité : Ce n’est pas parce que nous sommes nombreux à discuter qu’il n’y a pas de règle ni de structure. Les méthodes de prises de décisions collectives s’appuient sur des principes et suivent des processus clairs et précis.
L’organisation et le cadre peuvent être renforcés à différents niveaux. Par exemple :
- Préparation : les informations, les objectifs et le processus de suivi peuvent être communiqués à l’avance. De même, les premières opinions ou idées peuvent être récoltées avant la réunion.
- Prise de parole : on peut adopter la circularité (chacun à son tour, dans un ordre pré-défini), ne parler que si l’on apporte un élément neuf (ne pas répéter ce qui a déjà été exprimé), etc.
- Temps de parole : limiter le temps de chaque intervention (effort de synthèse et de clarté), se fixer une durée maximale pour la discussion, etc.
- Facilitation du processus : on peut faire appel à un facilitateur externe qui gère le processus.
- Sous-groupes : on peut créer des sous-groupes de discussion qui envoient des représentants présenter leurs conclusions et discuter avec des représentants d’autres groupes.
- Adoption d’une méthode spécifique de prise de décision (ou de fin de réunion) lorsque le groupe est bloqué et ne parvient pas à un accord.
Mythe n°3 : « c’est une perte de pouvoir pour le leader »
« Pourquoi devrais-je, en tant que leader, renoncer au pouvoir que j’ai obtenu grâce à mon travail et mes compétences. On attend de moi que je prenne des décisions : si je ne le fais pas on ne me respectera plus ».
Réalité : La décision du groupe est également ma décision. En tant que leader, instaurer des prises de décisions collectives permet d’atteindre des résultats tout en renforçant la cohésion de mon équipe. Qu’est-ce qui est le plus respecté : le pouvoir lié à une fonction ou le leadership personnel ?
Quand un groupe s’engage dans un processus de prise de décision collective, le leader ne perd pas de pouvoir, ce sont les autres participants qui en gagnent, sans en avoir plus que le leader. Des mécanismes de veto ou d’objections sont très souvent utilisés et garantissent que la décision est prise avec l’accord du leader.
Les décisions collectives valorisent également le leader qui peut être vu comme un innovateur, mature et confiant. Qualités qui favoriseront l’engagement de l’équipe.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’adopter un processus de prise de décisions collectives ne veut pas dire qu’il est appliqué dans tous les cas. Certaines décisions peuvent rester l’apanage du leader ou d’un groupe restreint.
Enfin, lors de la réalisation (après la décision), la coordination et le suivi ne sont pas forcément collectifs.
Mythe n°4 : « l’organisation et/ou les individus ne sont pas prêts »
« Le groupe n’est pas mûr. Certaines personnes ne veulent pas prendre de décisions parce qu’elles considèrent que ce n’est pas leur rôle, d’autres vont vouloir favoriser leurs intérêts et d’autres encore vont se laisser influencer, notamment par le chef. Au final, personne ne se sent responsable de la décision collective »
Réalité : La maturité, l’autonomie et la confiance mutuelle se développent généralement avec l’expérience et la pratique. La responsabilité découlant de l’appartenance à un groupe de décision renforce l’implication de chacun dans la réalisation des objectifs communs.
Décider ensemble s’apprend. C’est un ensemble de principes et de règles simples que tout le monde peut comprendre. Etant donné que cette approche « innove » par rapport à des modes de décision et d’organisation traditionnelles, elle nécessite d’être pratiquée un certain nombre de fois avant d’être intégrée.
Le processus développe l’auto-détermination des membres du groupe.
Il revient au leader d’expliquer les raisons, les objectifs et le sens de la prise de décisions collectives, et d’en rester le garant.
Notons aussi que des groupes adoptent le fonctionnement suivant : celui ou celle qui ne veut pas participer, ou qui estime ne pas avoir les capacités requises pour décider, peut se retirer. En contre-partie, il apporte son soutien aux décisions prises par le groupe. Après un temps d’observation, il/elle pourra rejoindre le groupe de décision s’il le désire.
Soyons conscients des mythes que nous entretenons à propos des prises de décisions collectives. N’utilisons pas ces croyances comme excuses pour ne pas essayer ou pour rejeter la faute sur les autres.
Décider ensemble peut être efficace. Avoir confiance et faire confiance est souvent une question de volonté et de choix personnel.
Michel Van den Borne
michel@openchoice.be
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