Prise de décisions

Mythes et réalités des prises de décisions collectives

by Michel Van den Borne on 7 mars 2017

Est-ce vraiment possible et efficace de vouloir décider ensemble ?

Est-ce réaliste sachant que, dans une entreprise par exemple, nous avons tous des personnalités, des attentes, des expériences et des fonctions différentes ?

Très souvent, lorsque quelqu’un propose de prendre une décision de manière collective, des regards et moues dubitatives apparaissent. Si l’idée semble séduisante, sa mise en pratique est jugée difficile et hasardeuse. Nous avons tous un exemple où une tentative de décision collective s’est tranformée en fiasco.

Si ces questions et hésitations sont légitimes, elles traduisent surtout certaines croyances que nous avons sur la prise de décisions en groupe.

Je vous propose d’en démystifier quatre.

 

Mythe n°1 : « c’est lent »

« Décider ensemble prend énormément de temps puisqu’il faut laisser parler tout le monde et qu’il faut atteindre un consensus ».

Réalité : La vitesse de la prise de décision est fonction de la courbe d’apprentissage du groupe. Par ailleurs, étant donné qu’une décision n’est pertinente que si elle est appliquée, il faut tenir compte de la durée de mise en œuvre de la décision.

  • Apprentissage

Sur la durée, les groupes apprennent et vont plus vite dans leurs prises de décisions. Les consensus se dessinent plus vite et sont plus solides, notamment parce qu’avec la pratique, la confiance augmente et les objections sont exprimées plus rapidement.

  • Implémentation des décisions

Pour évaluer l’efficacité d’une décision, il faut considérer le temps nécessaire à son implémentation. Lors d’une décision collective, le temps passé à se mettre d’accord est plus que compensé par le gain lors de l’exécution parce que les résistances ont été débattues et résolues en amont, lors des discussions. En incluant, lors des débats, ceux qui seront impactés par la décision, les risques de voir des résistances s’exprimer sous la forme d’excès de zèle, de sabotage ou de manque d’implication sont fortement réduits.

Mythe n°2 : « c’est l’anarchie et le chaos »

« Plus il y a de personnes qui participent à la prise de décision, moins les participants s’écoutent l’un l’autre et moins on converge vers une solution ».

Réalité : Ce n’est pas parce que nous sommes nombreux à discuter qu’il n’y a pas de règle ni de structure. Les méthodes de prises de décisions collectives s’appuient sur des principes et suivent des processus clairs et précis.

L’organisation et le cadre peuvent être renforcés à différents niveaux. Par exemple :

  • Préparation : les informations, les objectifs et le processus de suivi peuvent être communiqués à l’avance. De même, les premières opinions ou idées peuvent être récoltées avant la réunion.
  • Prise de parole : on peut adopter la circularité (chacun à son tour, dans un ordre pré-défini), ne parler que si l’on apporte un élément neuf (ne pas répéter ce qui a déjà été exprimé), etc.
  • Temps de parole : limiter le temps de chaque intervention (effort de synthèse et de clarté), se fixer une durée maximale pour la discussion, etc.
  • Facilitation du processus : on peut faire appel à un facilitateur externe qui gère le processus.
  • Sous-groupes : on peut créer des sous-groupes de discussion qui envoient des représentants présenter leurs conclusions et discuter avec des représentants d’autres groupes.
  • Adoption d’une méthode spécifique de prise de décision (ou de fin de réunion) lorsque le groupe est bloqué et ne parvient pas à un accord.

Mythe n°3 : « c’est une perte de pouvoir pour le leader »

« Pourquoi devrais-je, en tant que leader, renoncer au pouvoir que j’ai obtenu grâce à mon travail et mes compétences. On attend de moi que je prenne des décisions : si je ne le fais pas on ne me respectera plus ».

Réalité : La décision du groupe est également ma décision. En tant que leader, instaurer des prises de décisions collectives permet d’atteindre des résultats tout en renforçant la cohésion de mon équipe. Qu’est-ce qui est le plus respecté : le pouvoir lié à une fonction ou le leadership personnel ?

Quand un groupe s’engage dans un processus de prise de décision collective, le leader ne perd pas de pouvoir, ce sont les autres participants qui en gagnent, sans en avoir plus que le leader. Des mécanismes de veto ou d’objections sont très souvent utilisés et garantissent que la décision est prise avec l’accord du leader.

Les décisions collectives valorisent également le leader qui peut être vu comme un innovateur, mature et confiant. Qualités qui favoriseront l’engagement de l’équipe.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’adopter un processus de prise de décisions collectives ne veut pas dire qu’il est appliqué dans tous les cas. Certaines décisions peuvent rester l’apanage du leader ou d’un groupe restreint.

Enfin, lors de la réalisation (après la décision), la coordination et le suivi ne sont pas forcément collectifs.

Mythe n°4 : « l’organisation et/ou les individus ne sont pas prêts »

« Le groupe n’est pas mûr. Certaines personnes ne veulent pas prendre de décisions parce qu’elles considèrent que ce n’est pas leur rôle, d’autres vont vouloir favoriser leurs intérêts et d’autres encore vont se laisser influencer, notamment par le chef. Au final, personne ne se sent responsable de la décision collective »

Réalité : La maturité, l’autonomie et la confiance mutuelle se développent généralement avec l’expérience et la pratique. La responsabilité découlant de l’appartenance à un groupe de décision renforce l’implication de chacun dans la réalisation des objectifs communs.

Décider ensemble s’apprend. C’est un ensemble de principes et de règles simples que tout le monde peut comprendre. Etant donné que cette approche « innove » par rapport à des modes de décision et d’organisation traditionnelles, elle nécessite d’être pratiquée un certain nombre de fois avant d’être intégrée.

Le processus développe l’auto-détermination des membres du groupe.

Il revient au leader d’expliquer les raisons, les objectifs et le sens de la prise de décisions collectives, et d’en rester le garant.

Notons aussi que des groupes adoptent le fonctionnement suivant : celui ou celle qui ne veut pas participer, ou qui estime ne pas avoir les capacités requises pour décider, peut se retirer. En contre-partie, il apporte son soutien aux décisions prises par le groupe. Après un temps d’observation, il/elle pourra rejoindre le groupe de décision s’il le désire.

 

Soyons conscients des mythes que nous entretenons à propos des prises de décisions collectives. N’utilisons pas ces croyances comme excuses pour ne pas essayer ou pour rejeter la faute sur les autres.

Décider ensemble peut être efficace. Avoir confiance et faire confiance est souvent une question de volonté et de choix personnel.

 

Michel Van den Borne

michel@openchoice.be

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Michel Van den BorneMythes et réalités des prises de décisions collectives

Dépasser les blocages lors de prises de décisions collectives

by Michel Van den Borne on 26 janvier 2017

La prise de décisions collectives donne d’excellents résultats. Différentes approches peuvent être appliquées et produisent généralement des solutions pertinentes et pérennes, tout en générant chez les participants de l’engagement et de l’enthousiasme.

Cependant, aucune méthode n’est infaillible. Parfois, malgré la bonne volonté de chacun, le groupe est bloqué et n’arrive pas à prendre une décision qui a l’aval de tous.

Comment sortir de cette impasse et renforcer la capacité de l’équipe à prendre des décisions collectives ?

 

Reconnaître le blocage et arrêter la discussion

La première condition pour sortir d’un blocage est d’être conscient qu’il y en a un, c’est-à-dire se rendre compte que la discussion de groupe est devenue stérile et qu’aucune décision claire n’émerge.

Il y a au moins trois manières de provoquer cette prise de conscience :

  • Le groupe se donne un temps imparti pour prendre une décision. Lorsque ce temps est dépassé, si aucune décision n’est prise, la discussion s’arrête suite à l’intervention d’un « gardien du temps » (personne ou minuteur).
  • Le groupe désigne une personne responsable de l’évaluation de l’état d’avancement des discussions, à charge pour elle de décider quand elle estime qu’il y a blocage.
  • Le groupe fait confiance à l’intelligence collective et au fait qu’une ou plusieurs personnes vont, spontanément, constater l’impossibilité de s’accorder sur une décision commune.

A ce stade, il peut être utile qu’un membre du groupe synthétise l’état actuel des discussions (points d’accord et divergences) , voire fasse une proposition de décision par écrit (sur écran géant ou flip chart).

Le groupe a alors le choix entre deux possibilités : soit postposer la décision et mettre fin à la réunion, soit relancer la discussion à partir de la proposition de décision à amender.

 

Choix n°1 : postposer la décision

Reporter une décision est une vraie décision et ne doit pas être vu comme un échec. Lors d’une réunion de décision collective, le but est de prendre une « bonne » décision, c’est-à-dire de faire un choix qui convient à chacun et qui est engageant pour tous. C’est la condition nécessaire pour éviter les résistances et gagner du temps lors de l’exécution.

Dès lors, postposer la décision peut être une preuve de maturité du groupe et permettre un meilleur choix plus tard.

Les raisons qui justifient le report sont par exemple :

  • Le groupe a besoin de plus d’informations
  • Le climat est trop émotionnel (les émotions doivent d’abord s’exprimer)
  • Le groupe ou certains de ses membres ont besoin d’un temps de maturation pour intégrer les différents éléments de la discussion

Reporter une décision peut également favoriser la créativité et donner l’occasion aux membres du groupe de se recentrer sur leurs intérêts communs (besoins ou envies partagées, par opposition à des « positions » qui sont des préférences pour une solution et peuvent mener à des attitudes rigides).

 

Choix n°2 : relancer la discussion en adoptant une méthode de sortie de l’impasse

Le but est de se donner une dernière chance de prendre une décision collective lors de cette réunion.

La discussion reprend mais avec un mécanisme de clôture clair et « définitif ».

Plusieurs techniques sont possibles. En voici trois.

  • Le groupe se fixe un temps limite pour décider. Si au bout de ce temps imparti, aucun accord ne se dégage, une personne désignée au préalable prend, seule, la décision.
  • En l’absence de décision, le groupe prend sa décision sur base du vote majoritaire si 80% des membres du groupe optent pour cette solution.
  • Une personne désignée a le pouvoir, quand elle l’estime nécessaire, de postposer la réunion, de laisser la discussion se poursuivre ou de prendre elle-même la décision finale.

Ces méthodes s’utilisent lorsque l’on veut accélérer et/ou forcer la décision dans un court laps de temps.

On pourrait penser qu’en appliquant l’une de ces techniques on s’éloigne de la prise de décisions collectives. Ce n’est pas le cas parce que, d’une part, le groupe a lui–même décider de procéder comme cela et, d’autre part, le fait de savoir que l’une de ces méthodes risque d’être appliquée peut créer une motivation supplémentaire pour se mettre d’accord collectivement.

 

Points d’attention et conclusion

Pour pérenniser la pratique de prise de décisions collectives, il est souhaitable qu’une réunion de décision se termine par un succès collectif, soit par la décision finale, soit par la décision de postposer, soit par la décision d’appliquer une méthode de clôture. L’important c’est que le groupe décide collectivement de la manière dont il clôture sa réunion.

Quelle que soit la façon dont la discussion se termine, il est toujours bénéfique de prévoir un moment de débriefing et de régulation à propos du déroulement de la réunion. Cela permet d’exprimer et entendre les émotions, identifier ce que l’on peut éviter dans le futur et synthétiser les points d’amélioration.

Mettre fin à une réunion de décision et sortir d’un blocage de manière élégante et collective se joue en grande partie lors de la préparation de la réunion. Il s’agit, avant tout, de prévoir la possibilité d’une telle situation et de savoir quoi faire si elle se présente.

Nous pouvons aussi considérer cette expérience comme un événement faisant partie de notre apprentissage et qui enrichit nos capacités à prendre des décisions collectives.

 

Michel Van den Borne

michel@openchoice.be

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Michel Van den BorneDépasser les blocages lors de prises de décisions collectives

Comment prendre efficacement des décisions collectives ?

by Michel Van den Borne on 7 janvier 2017

Nous sommes généralement d’accord pour dire qu’une approche collaborative contribue à développer la responsabilité individuelle et collective.

La plupart d’entre nous adhère à l’idée selon laquelle « le tout est supérieur à la somme des parties ».

La majorité d’entre nous convient que les objectifs fixés collectivement ont plus de chances d’être atteints parce que chacun se sent pleinement engagé.

Intellectuellement et émotionnellement, nous avons toutes les raisons de croire à la force du groupe et des décisions qu’il prend collectivement.

Pourtant, dans les organisations nous constatons que peu de décisions sont vraiment prises collectivement.

L’une des principales causes est que, malgré notre adhésion aux buts et aux bénéfices des décisions collectives, nous ne savons pas comment organiser efficacement cette manière de prendre des décisions.

Comment fait-on concrètement pour mettre en œuvre cette approche collaborative de prise de décisions ?

 

Les principaux éléments à prendre en compte lors de l’organisation d’une prise de décisions collective

 

Il existe une série de facteurs clés de succès qui rendent efficace la prise de décisions en groupe.

  • Inclure les experts et les personnes qui sont impactées par la décision

Il est crucial d’inviter les personnes qui sont expertes du sujet sur lequel porte la décision. Et il est tout aussi important d’associer ceux qui seront affectés par la décision. C’est le meilleur moyen d’assurer sa promotion à l’intérieur de l’organisation et garantir une implémentaion efficace par la suite.

  • Valoriser la sincérité

La vérité est souvent le grand simplificateur. Sa pratique met en évidence les vrais sujets à traiter, renforce la confiance mutuelle et accélère la recherche de solutions.

  • Pratiquer l’écoute active

Il est important d’écouter et de reformuler pour construire une compréhension partagée des différents points de vue. Le principe de circularité peut aider à acquérir cette capacité d’écoute active.

  • Clarifier avec précision la décision à prendre

Prendre le temps de se mettre d’accord sur une formulation commune de la question soumise au groupe (et par exemple de l’écrire) clarifie la décision et fluidifie le processus. Lorsque la décision concerne des actions à mettre en œuvre dans le futur, préciser la date de début et la durée dans la description sont généralement très utiles.

  • Choisir une méthode de prise de décision

La méthode de prise de décisions doit être clairement identifiée et annoncée dès le début. Elle peut être spécifique au groupe qui va l’appliquer. L’important est que quelque soit la méthode choisie elle soit connue et acceptée par l’ensemble des membres du groupe.

  • Etre conscient de la dynamique qui veut qu’un groupe prenant une décision passe d’abord par une phase divergente avant de converger

Il est normal, pour un groupe qui cherche une solution (ou veut prendre une décision qui convient à tous) de passer par une phase de confusion et/ou de frustration lorsqu’il est face à différents points de vue, à première vue, irréconciliables.

C’est durant ces moments qu’il y a lieu d’être patient, persévérant et tolérant pour sélectionner les bonnes idées, prioriser, synthétiser et enfin présenter une solution sur laquelle le groupe est appelé à se positionner.

  • Savoir quoi faire si le groupe est bloqué

Si le groupe n’arrive pas à prendre une décision ou à se mettre d’accord, il faut avoir prévu une règle qui permet de clôturer la réunion. Il doit être clair pour tous les participants à partir de quel moment (après combien de temps) cette solution de « sortie de blocage » sera appliquée.

Les règles varient d’un groupe à l’autre mais sont par exemple postposer la décision à une autre réunion, organiser un vote, déléguer la décision à une personne préalablement nommée.

 

Le secret …

 

Le secret des organisations qui pratiquent la prise de décisions collectives : elles ne prennent pas forcément toutes les décisions de manière collective !

Vouloir prendre toutes les décisions de l’entreprise en groupe n’est pas efficace.

Beaucoup de décisions peuvent être prises individuellement ou par un petit groupe tout simplement parce que les décisions ne concernent que ces personnes ou parce qu’elles ont reçu ce pouvoir par délégation.

Ce sont généralement les décisions stratégiques ou celles qui impactent un grand nombre de personnes qui ont le plus de bénéfices à être prises collectivement.

Dès lors, la première décision collective est de se mettre d’accord sur une liste (aussi claire que possible) des décisions que l’on veut prendre en groupe et celles qui peuvent être prises autrement. Et de spécifer les méthodes de décisions choisies.

Cela peut se faire en une ou deux réunions, et apporte une énorme plus-value en termes de clarté et de simplicité.

 

Application pratique : le processus budgétaire

 

Les décisions budgétaires sont parmi celles qui méritent le plus d’être prises collectivement.

En effet, le processus budgétaire concerne l’ensemble de l’entreprise et convient, dès lors, parfaitement pour un exercice collectif. Les salariés seront d’autant plus engagés qu’ils ont participé à l’élaboration des objectifs budgétaires.

Voici quelques indications utiles pour mettre en œuvre un budget collaboratif :

  • Inclure les personnes qui sont le plus qualifiés pour construire et estimer le budget, et celles qui vont vivre avec les conséquences de ces décisions
  • Clarifier la vision dans laquelle s’inscrit le budget, le processus qui sera suivi, ainsi que les contraintes à prendre en compte
  • S’accorder sur le niveau de granularité nécessaire et suffisant pour prendre des décisions et utiliser un reporting simple et commun
  • Favoriser les échanges de points de vue, l’écoute et l’ouverture
  • Animer le processus avec rythme, sur un court laps de temps, et maintenir une énergie positive
  • Choisir une méthode de prise de décision collective
  • Communiquer les résultats à l’ensemble de l’entreprise, de manière transparente.

 

Les prises de décisions collectives peuvent être organisées de multiples manières. Chaque entreprise peut créer sa solution et son mode d’utilisation. C’est avant tout une question de volonté.

En respectant certaines conditions simples mais implicantes, les résultats peuvent être spectaculaires et renforcer l’engagement de chacun.

 

Michel Van den Borne – Spécialiste du Budget Collaboratif

 

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